Ce texte a été publiée dans la rubrique culturelle du Tromblon, dont le principe était de ne critiquer que ce qu’on n’avait pas écouté, lu ou vu. Rappelons que Radiohead furent parmi les premiers à proposer un téléchargement légal dont le prix (le cas échéant: la gratuité) était librement fixé par l’acquéreur.
In Rainbows – Radiohead, 2007
Ne dites plus: « Alors, t’as écouté le nouveau Radiohead ? ». Dites: « Alors, il vaut combien le nouveau Radiohead ? ». Bien plus que l’esbrouffe organisée pour faire croire au commun (abruti) de leurs fans qu’ils sont des punks et qu’ils disent merde au système en contournant les réseaux de distribution habituels, plus encore que les vieux briscards à qui on ne la fait pas qui feront remarquer au passage l’ingratitude et l’hypocrisie du procédé, ce qui est intéressant avec In Rainbows, c’est qu’il pose la question de la valeur de l’oeuvre d’art. D’une manière bien plus intéressante que ne le font les indécentes ventes aux enchères Sotheby’s ou les iconoclastes à la petite semaine qui hantent les musées d’art contemporain, Radiohead demande à Monsieur Tout-le-monde, le même crétin qui n’aurait pas donné un bouton de culotte pour le génialissime Kid A il y a sept ans, d’estimer le prix de son nouvel album. Au-delà de la dérive démocratique et de la glose de celle-ci, il ne fait aucun doute que l’expérience constituera d’ici quelques mois, une fois le disque disponible via les réseaux classiques, une des études de marché les plus poussées sur l’épineuse question du disque en tant que support. Autant dire que Radiohead peur mordre tant qu’il veut la main qui l’a nourri toutes ces années, la laisse n’en sera que plus courte à l’avenir. Et la musique dans tout ça, me direz-vous? Comment pourrais-je le savoir: on me demande d’en estimer le prix avant d’en avoir éprouvé la valeur… Je ne l’ai pas téléchargé. C’est ça, l’éthique de consommation.